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Réflexions

Et si votre prochain concurrent ressemblait à Uber?

Impossible de ne pas y songer. Uber, le géant techno hors-la-loi (valeur commerciale de plus de 60G$) qui fait la vie dure à l’industrie du taxi, est partout dans les médias et… sur la route.

Uber, niché sur votre téléphone intelligent, se présente au consommateur comme une alternative sympathique et économique, même si des trajets de quelques kilomètres peuvent coûter 300$ car le système est fondé sur l’offre et la demande. Uber avance comme le jeune fringant qui dérange l’ordre établi et permet à Pierre, Jean, Jacques d’arrondir ses fins de mois en mettant à profit son investissement dans une voiture. Il suffit d’adhérer au service; pas besoin de permis de taxi, pas besoin de faire la preuve qu’on a les bonnes protections d’assurance pour le transport de personnes, pas besoin de faire vérifier ses antécédents judiciaires, pas besoin de payer des taxes et impôts… Uber fait de Pierre, Jean, Jacques des «entrepreneurs» du marché noir.

Uber garde 20% du prix de chaque course pour son génie techno, son compte en banque aux Pays-Bas et ses activités de lobbying planétaire – il tente de convaincre les gouvernements des bienfaits de ce que certains appellent l’économie du partage (sharing economy).

Permettez-moi de demander si le partage existe vraiment quand une multinationale ne paie d’impôt à peu près nulle part? Et est-ce que les entrepreneurs au noir qu’Uber a créés peuvent vraiment s’enrichir quand on calcule que, dans plusieurs villes américaines, ils gagnent moins que le salaire minimum?

Dans l’hôtellerie, le cousin d’Uber s’appelle Airbnb. En télé, il s’appelle Netflix. En musique, il ressemble à Spotify – des millions d’écoute de musique en streaming et des redevances faméliques aux artistes. La famille des «disrupters» s’agrandit d’année en année et, même si ses membres ne sont pas dans l’illégalité partout, tous contribuent à bousculer le marché et il semble qu’aucun n’ait l’idée d’investir dans les communautés. Les grands sont tous étrangers et recueillent leurs immenses profits sur d’autres territoires. Surtout, ils font à leur tête, laissant à d’autres les obligations.

On commence à voir apparaître des applications pour le déneigement et la tonte du gazon, permettant à vos voisins de mettre à profit leur souffleuse et leur tondeuse. Rien d’illégal de ce côté en apparence, mais un élargissement certain du marché noir. Avec quel impact sur les entreprises qui offrent ces services?

Entrepreneurs, êtes-vous prêts à faire face à Roger qui louera pour pas cher son coffre à outils à quatre rues de chez vos clients? À Georges qui émonde des arbres pour occuper ses dimanches après-midi et s’offrir un voyage dans le Sud en mars? À Francine qui répare des ordinateurs le mercredi soir dans son sous-sol à l’abri de l’impôt; Francine qui trouve facilement des clients grâce à une application mobile?

Et le Québec, lui, va-t-il se noyer dans la vague ou surfer dessus? Se dire qu’on ne peut pas échapper à la révolution ou tenter de protéger les secteurs touchés? Réussir à collecter des impôts ou une forme de redevance ou perdre le contrôle de ses finances à cause de l’évitement fiscal ?

Je n’ai pas de réponse, que des questions. Mais je les pose parce que la réflexion paraît nécessaire et urgente. Et parce que si j’étais un entrepreneur, je m’arrangerais pour travailler sur ma valeur ajoutée pour ne pas qu’un cousin d’Uber paraisse plus séduisant. Ce qui se passe actuellement n’est pas juste une histoire de taxis.