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Réflexions

La pente du courage

Ceci est une histoire vraie.

Au printemps 2008, on m’invite à rejoindre un groupe de skieurs qui s’aventurent dans des coins moins explorés – et plus hasardeux – de la station de ski Blackcomb en Colombie-Britannique. La fébrilité du groupe était grande d’autant plus que nous étions guidés par une ancienne skieuse olympique chargée de la mission de repousser nos limites.

Faut savoir que j’étais le skieur qui, de loin, était le moins rapide, le moins habile et le moins bien équipé de ce groupe.

Après quelques descentes de réchauffement, nous retournons au sommet de la montagne pour se diriger vers un ruban jaune sur lequel il était inscrit “DANGER – DO NOT CROSS”. La guide, avec son plus beau sourire, soulève cet inquiétant ruban, en nous disant “Come, come, this will be fun.”

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Certains pensent encore que le courage équivaut à sauter d’un avion sans parachute en croyant que nous pourrons tricoter un substitut de parachute en tombant vers une mort certaine.

Dit autrement, on gobe encore que le courage est synonyme de témérité et de bravade.

Avec toutes ces attentes de performances que subissent les leaders, serait-il possible que le vrai courage soit d’agir, calmement et en confiance, selon ses propres valeurs; que de «sortir de sa zone de confort» ne soit pas de s’éloigner de qui nous sommes, mais plutôt de s’en rapprocher?

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La guide nous annonce alors que cette descente doit se faire obligatoirement par tous les membres du groupe, sans exception; chez nous elle aurait dit: «C’est toute ou pantoute».

Avec le bout de mes skis dépassant la crête au sommet de cette pente abrupte, embrumée et enrochée, mon incertitude devient rapidement de l’anxiété qui elle se transforme irréversiblement en terreur.

Je m’entendis alors dire: «Moi, je ne descends pas

Les autres skieurs qui, rappelons-nous, avaient payé le gros prix pour cette aventure, me regardèrent en demandant – sans succès – que je cesse de faire la poule mouillée. Après 5 minutes de débats et menaces, le groupe retourna du côté sécuritaire du cordon et dévala la montagne en silence.

Cette histoire est déjà vieille de 15 ans, mais comment oublier ce moment quand le leader du groupe me dit au bas de la pente: «Tu ne peux pas savoir comment j’étais content que tu refuses de nous suivre. J’avais la chienne, mais grâce à toi j’ai sauvé ma fierté…et ma santé. C’était vraiment courageux.»

Nous savons presque toujours quelle est la bonne chose à faire; le courage c’est simplement d’arrêter d’y penser, de s’écouter et de le faire.