×
Réflexions

L’entreprise chorale

J’emprunte des mots à la musique pour faire image : êtes-vous le chef d’une entreprise chorale ou d’une bande de solistes?

Un des plus grands chocs culturels que je vis depuis mon arrivée à l’École d’Entrepreneurship de Beauce, c’est celui de la collaboration.

Il y a pire, vous me direz; non sans raison! Mais le fait est qu’après 25 ans à œuvrer souvent comme soliste, dans un univers très compétitif, cela nécessite une adaptation.

Dans une salle de nouvelles, les journalistes sont en compétition les uns contre les autres, même si en principe, tout le monde doit travailler pour faire le meilleur journal ou le meilleur bulletin d’information. Les journalistes veulent tous faire la une, avoir une histoire qui est bien jouée, avoir de la visibilité, occuper un poste plus prestigieux. En télévision, il y a certes un travail d’équipe dans la mesure où il faut au minimum un cameraman et un reporter pour produire une information, mais les uns et les autres sont en compétition avec leurs pairs, malgré certains aspects collaboratifs.

Le travail journalistique est constamment exposé, soumis aux regards, à la critique et aux louanges. Les uns affichent une insécurité chronique, les autres se cachent derrière une arrogance protectrice; peu sont dans la vraie confiance. On a trop de boulot? On ne va généralement pas chercher d’aide, on garde tout pour soi parce qu’on brillera davantage. On vit dans un royaume où nos chers egos prennent finalement pas mal de place. Remarquez, c’est très variable d’une personne et d’une salle à une autre et selon le média! Et ce n’est pas réservé uniquement à la sphère médiatique.

Néanmoins, une concentration de collègues compétitifs peut finir par créer une atmosphère de travail plus ou moins malsaine. Car si la compétition pousse à se surpasser, elle peut aussi être destructrice. Les employés sont susceptibles de se transformer en requins qui se mordent entre eux. Ils auront tendance à cacher leurs erreurs ou à les mettre sur le dos des autres; question de survie. Et ils risquent de perdre le sens de leur travail, la motivation initiale, qui n’était pas uniquement l’ambition personnelle, mais peut-être aussi une utilité sociale.

Un entrepreneur me parlait récemment d’une entreprise où on annonce à l’avance qu’un poste de cadre sera ouvert dans un horizon X et que trois candidats potentiels en sont avertis. Que le meilleur gagne, chacun doit faire ses preuves dans la période prédéterminée. Il serait étonnant que cette pratique favorise l’engagement à long terme!

Dans l’univers fascinant de la collaboration, je découvre à l’EEB le souci du bonheur au travail et des collègues qui s’aiment d’amour. Je vous le jure, c’est vrai. Le personnel présente un niveau d’engagement énorme. Il est motivé par la réussite d’une mission commune, plus grande que soi. On ne travaille pas ici pour sa minute de gloire quotidienne, mais pour le bien commun, pour les autres. Pour les entrepreneurs-entraîneurs, pour les entrepreneurs-athlètes et plus largement pour la société. Pour que chacun sorte enrichi de son passage à l’EEB et pour que le Québec y gagne.

Je me fouette à cause d’une erreur que j’ai commise, voilà qu’on me dit : «Pourquoi prends-tu tout ça sur toi? C’est un travail d’équipe!» Ça peut paraître fou, mais c’est un peu déroutant car le poids sur mes épaules s’allège, sans pour autant que le sens des responsabilités se perde.

Ça m’incite à réfléchir sur mes habitudes, sur ma manière d’être avec les autres. Quand il y aura un bon coup, ce ne sera pas que le mien, ce sera le NÔTRE et je ne devrai pas l’oublier! Travailler en équipe, en collaboration, ça veut dire nécessairement offrir de la reconnaissance, du soutien moral, démontrer un leadership positif, laisser les autres s’exprimer, bonifier un projet, cesser de tout contrôler seul le produit final.

Je regarde ce que mes collègues ont accompli en quelques années avec cette école unique, je regarde ce que les entrepreneurs beaucerons ont bâti en unissant leurs forces pour lui donner vie et je suis émue par la beauté et la puissance de la collaboration. Une collaboration qui donne confiance.

Bien sûr, des sportifs atteignent de très grandes réussites par la grâce de la compétition, qui amène au dépassement de soi et des autres. Mais en milieu de travail, quand est-ce que la compétition est une alliée et quand devient-elle une ennemie?

Comment cela se passe-t-il dans votre entreprise? Est-ce que vos employés collaborent ou se surveillent du coin de l’œil? Suscitez-vous la compétition? Vous sert-elle ou vous nuit-elle? Et que pouvez-vous faire pour engager vos employés vers un objectif plus grand que leur simple avancement personnel?