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Pénurie de la main-d’oeuvre : Conséquences et solutions

Partout, la réaction est unanime. Peu importe les domaines variés de notre réseau d’entrepreneurs, le manque de main-d’oeuvre est criant. En restauration d’abord, puis en milieu manufacturier, jusqu’aux services. S’il y a consensus sur la pénurie, il n’en demeure pas moins étonnant de voir la multitude de conséquences différentes qu’amène cette baisse des travailleurs disponibles lorsque, ironiquement, les entreprises québécoises sont en plein essor.

En effet, selon Statistiques Canada l’an dernier, il y aurait pas moins de 46% des postes vacants dans la province contre 23% à l’échelle nationale. Il est vrai que cette situation témoigne d’une économie forte et d’un faible taux de chômage. Malheureusement, ce manque à combler nos effectifs nous dirige tout vers la contre-productivité.

Joaquim Blanchette, directeur général d’Hydrexcel et gradué de la Cohorte G3 nous confirme.

«Perte de contrats, augmentation de la masse salariale, augmentation des dépenses pour aller chercher des immigrants, investissements en ressources humaines pour améliorer la rétention, on engage des plus jeunes donc plus de formation, moins de productivité des plus âgés.»

Qu’il manque d’employés afin de livrer certains projets et d’ultimement en refuser d’autres est en soi déjà un frein à l’avancement de l’entreprise. Mais dans ce cas-ci, ce sont les frais supplémentaires que vont engendrer le recrutement à l’international, la formation des jeunes et la réforme des ressources humaines qui amène le problème plus loin. Tous ces investissements restent d’ailleurs risqués puisqu’il n’y a aucune garantie quant à la capacité qu’ils ont à garder le personnel.

Il faut tout de même dire que toute action se doit d’être mieux planifiée. La main d’oeuvre issue de l’immigration, par exemple, sera beaucoup plus payante à long terme si l’on vise d’intégrer des arrivants au potentiel de résidents. De plus, le choix d’immigrants francophones amène un phénomène de recrutement de futurs employés du même milieu socioculturel.

Cet effort additionnel est tout de même apprécié par d’autres entrepreneurs. Ces contraintes forcent la direction à ne pas prendre ses collègues pour acquis. Bien que ce soit, d’une certaine façon, une nouvelle responsabilité, tout ce climat amène un renouvellement continuel de la stratégie aux ressources humaines.

Un raisonnement qui demeure positif malgré tout selon Catherine Morneau, directrice générale de Morneau Eskimo et graduée de la Cohorte C3.

«Ça veut dire…Faire toujours plus… avec moins! Donc il faut penser et faire les choses autrement, sinon on s’enfonce…ça ne va pas se régler demain matin, ce n’est pas passager! Pour ne pas brûler nos collaborateurs clés, il faut repenser nos structures organisationnelles, clarifier les rôles, communiquer plus, démocratiser l’information et responsabiliser. Il faut changer nos méthodes de gestion, cesser d’être en réactif et mieux s’organiser. Il faut sans cesse questionner nos méthodes de travail, outils, équipements, processus… pour être redoutablement efficace.»

C’est en effet la problématique que personne ne peut négliger. Car si un employeur a de la difficulté à recruter à l’externe, il ne peut définitivement pas se permettre de perdre les effectifs qui a déjà. Ils sont après tout essentiels à la formation des recrues.

La charge de travail. Voilà une autre grande conséquence de cette pénurie. Non seulement celle-ci peut pousser quelques travailleurs vers la démission, mais aussi des précautions pour ceux qui restent. Certes, nous avons abordé les dépenses reliées à la rétention, mais qu’est-ce que cela comprend concrètement? Il s’agit de tout un débat justifié autour de la révision des salaires.

Benjamin Garant, président fondateur de CyberCat et entrepreneur-athlète de la Cohorte C15, nous expose sa situation.

«Nous avons dû effectuer deux évaluations des augmentations salariales cette année au lieu d’une seule. Cela entraîne donc une augmentation de nos tarifs horaires et un immense accent sur les projets dans lesquels on a le plus de valeur ajoutée pour nos clients.

Je suis juste très fier de l’esprit d’équipe, de solidarité et du sentiment d’appartenance que nous avons toujours entretenu et qui nous permet de minimiser le roulement de personnel dans un tel cycle à haute pression sur nos RH… Mais on est tous plus vulnérables que d’habitude ces temps-ci!»

Ainsi, même les entrepreneurs les plus consciencieux ont peine et misère à affronter le problème sans souffrir des conséquences. La hausse du salaire minimum ajoutée aux heures supplémentaires, au niveau de performance nécessairement plus élevée, sans oublier la possibilité de meilleures conditions ailleurs force cette constante étude des rémunérations. Il n’y a pas que la paie, mais à toujours exiger plus du personnel, ces négociations sont rendues indispensables.

Bien sûr s’impose ici la solution de la libre entreprise. Comme monsieur Garant semble déjà le faire, les directeurs se doivent alors de devenir davantage des coachs. Le but dans ce nouveau principe est d’éliminer la notion de hiérarchie. Faire sentir que les employés sont chez soi, qu’ils n’ont pas à répondre à une instance supérieure, mais plutôt au superviseur d’un ensemble. Quoique cette approche ne soit pas infaillible, ces comités plus inclusifs forcent à mettre l’ego de côté et le talent de l’avant.