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Réflexions

Quelle santé, derrière les masques?

Originalement publié sur Les Affaires

Comment ça va? Bien? En êtes-vous certain?

L’incertitude des derniers mois et celle qui se pointe à l’horizon commencent à créer un déficit ailleurs que dans le compte de banque des entrepreneurs. Ou du moins, un déficit anticipé.

Le sujet n’occupe pas tant les conversations. Qui a envie de dire qu’il est anxieux, dépressif ou a des idées suicidaires? L’entrepreneur risque d’être un des derniers à admettre que ça ne va pas bien. Il porte la cape du héros, il est le chef d’une équipe et il se dit que s’il ne garde pas le sourire et la confiance, cela aura un impact désastreux sur son équipe. Pourtant, l’entrepreneur est un humain avant tout. Il est normal qu’il sente parfois ses jambes chanceler et sa tête devenir un flot de pensées stressantes: il porte une telle pression sur ses épaules dans cette crise longue durée.

À l’École, nous avons proposé cette semaine un nouveau séjour orienté sur la santé mentale, «Prendre soin de soi et de son équipe». En une heure trente, toutes les places se sont vendues et la liste d’attente s’allonge de manière impressionnante. On aurait proposé la même chose il y a un an, le scénario aurait été bien différent. La bonne nouvelle, c’est que des entrepreneurs prennent conscience de l’importance de leur santé mentale et sont prêts à s’outiller pour mieux en prendre soin. La mauvaise, c’est que l’engouement pour cette formation indique bien que l’enjeu est très sérieux.

Depuis des mois, nous parlons de santé individuelle et collective, de l’importance de protéger les autres et soi-même en portant le masque dans les lieux publics et les espaces fermés. Mais derrière le masque, une autre réalité est dissimulée. Il n’y a pas que les sourires qui sont cachés ; la détresse aussi. Et il y a encore peu de messages pour inciter les gens à prendre soin de leur santé mentale…

Même les entrepreneurs qui font des affaires d’or avec la crise — il y en a — ne vont pas nécessairement bien. Je parlais avec un de ceux-là récemment. J’ai compris que ces leaders aussi affrontent des défis hors du commun, notamment au plan logistique dans les opérations, comme des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Les entrepreneurs font face à des enjeux de conciliation travail-famille inédits, avec des enfants qui doivent rester à la maison dès qu’un nez coule ou qu’on suspecte la COVID de s’être invitée. Ils composent avec un manque de main d’œuvre, relié à l’absentéisme ou à une pénurie. Ils tentent de satisfaire des clients facilement irritables — eux aussi aux prises avec des défis sans précédent dans leur univers. Les enjeux du couple au temps de la pandémie rattrapent aussi les entrepreneurs, qu’importe leur situation financière. Or, la famille est un ancrage souvent très précieux pour un entrepreneur. S’il y a séparation, disputes ou maladie, cela peut amplifier tous les autres stresseurs du monde des affaires.

Les superhéros, qu’ils s’appellent Batman, Hulk ou Captain Marvel, traversent l’adversité avec de l’aide. Une amoureuse, un meilleur ami, un allié insoupçonné ; peu importe. C’est bon de s’en souvenir chers entrepreneurs. Il ne faut pas rester seul avec ses difficultés et ses idées quand elles s’assombrissent. Il faut en parler. Et prendre le temps de prendre soin de soi. J’ai lu cette semaine une petite phrase sur le web que j’ai trouvée géniale : si tu ne prends pas soin de ta santé, tu devras prendre soin de ta maladie. C’est un pensez-y-bien, n’est-ce pas ?

Alors quel petit geste poserez-vous aujourd’hui pour vous faire du bien ? Un babystep pour reprendre le mot d’un entrepreneur entendu récemment. C’est à la portée de chacun et j’aime l’image, parce que le bébé qui apprend à marcher tombe et se relève, jusqu’à pouvoir courir. Un pas après l’autre, apprendre à donner la priorité à sa santé. Se donner cet objectif qui peut vous donner le sourire de l’enfant découvrant le monde sous une nouvelle perspective. Je parie que c’est ce qu’on peut tous faire de très beau en cette année 2020.